Il marchait à pas lents, soutenu par une canne en bois de chêne, son visage ridé couvert par un grand chapeau rongé par les mites. Les rationnels voyaient dans sa démarche saccadée celle d'un vagabond, les méprisables celle d'un clochard.
Lorsqu'il arriva dans la bourgade de Bonbourgeon il s'étonna de voir des paysans se hâter de couvrir leur champ de grandes toiles.
« C'est que les pluies sont violentes par chez nous, les gouttes sont grosses comme des melons ».
L'itinérant avait l'habitude de dormir à la belle étoile, mais de telles prévisions réveillèrent de veilles douleurs dormant dans ses articulations. Aussi, il se décida à faire l'aumône d'un toit pour la nuit. Ce toit, il le trouva en bordure du village, un magnifique toit de tuiles noirs polies qui semblaient faites de diamant obscur. Elles chapeautaient un bel édifice de pierres rouge serti d'une splendide porte de fer forgé.
« Voilà le lieu idéal » s'enquit il, « Si le propriétaire est riche, alors il doit avoir beaucoup à partager ».
Son chaleureux raisonnement s'effrita à la froideur du maître des lieux. Il lui répondit que oui, il pouvait bien le recevoir, mais seulement en échange de quelques deniers. Mais le quémandeur n'avait pas l'usage de monnaie, aussi les yeux du cupide se rabattirent sur le magnifique pendentif d'or et de nacre qui pendait au cou de l'homme usé. Ce dernier refusa catégoriquement d'échanger son talisman contre quelque chose qu'une belle âme devrait offrir sans contrepartie. Mais le maître de la maison n'était pas une belle âme.
Il lui claqua la porte au nez. Et comme s'il était de mèche avec le ciel les gouttes commencèrent à tomber avec violence.
Le malheureux courut jusqu'à la forêt et s'effondra dans les mares naissantes. Il fut alors secouru par le paysan qu'il avait rencontré tantôt. Ce dernier l'emmena chez lui et s'excusa de ne pouvoir lui offrir un logement plus décent. En effet, leur chaumière était plus percée qu'un fromage suisse. La famille gagnait à peine de quoi se nourrir, alors refaire la maison était simplement hors de leur portée. Exténués, les bonnes gens s'endormirent malgré la cacophonie de l'averse. Le vieil homme profita de leur sommeil pour ressortir son talisman, il maugréa quelques phrases d'un dialecte inconnu et ouvrit les paumes. Une volée de papillons aux ailes d'argent s'échappèrent de la maison du paysan. Ignorant le vent, les gouttes et les éclairent, ils filèrent jusqu'à la maison aux tuiles noires. Une à une, ils s'emparèrent des tuiles pour aller les déposer sur la hutte des paysans.
À leur réveil ils furent surpris d'être encore secs malgré l'orage.
« Vous m'avez protégé du mauvais temps, je me permets de vous rendre la pareille », fit le visiteur avant de s'en aller. Il masqua un petit rire narquois en voyant la maison de briques qui débordait d'eaux sales et des larmes de son propriétaire.
Il marchait à pas lents, soutenu par une canne en bois de chêne, son visage ridé couvert par un grand chapeau rongé par les mites. Les rationnels voyaient dans sa démarche saccadée celle d'un vagabond, les méprisables celle d'un clochard, seuls les rêveurs avertit reconnurent l'attitude calme et haute d'un druide.
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