Un de mes premiers constats quand j'ai commencé à éponger des recueils de contes « pour enfants » étaient la pas relative absence d'histoires effrayantes.
Alors que paradoxalement, de nombreux témoignages de conteurs
m'indiquaient que c'est précisément le genre d'histoire qui est le plus
demandé par les enfants. Alors pourquoi
s'amuse-t-on à vider les recueils de bons gros massacres sanguinolents
et autres sifflements de spectres courroucés ? Pour répondre, j'ai suivi la pelle et je suis allé creuser à la recherche de mes propres racines. Quels ont été les histoires qui m'ont le plus marqué quand j'étais enfant ?
Sans conteste des histoires violentes, matures et effrayantes. (avec une mention spéciale pour le dessin animé Code Lyoko).
Et je ne pense pas être le seul.
Et je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Car cette peur ne m'a pas affaibli, mais renforcé.
La peur est un sentiment qui nous fait perdre notre capacité de réflexion au profit de l'action. Ce qui lorsqu'on est poursuivi par un monstre affreux ou un CRS est utile pour survivre. Mais qui au quotidien empêche de prendre du recul sur la situation. Les personnes qui ont peur sont des personnes dangereuses car elles sont fragiles. Cette peur il faut donc la dompter. Or quelle meilleure arène de dressage que les mondes merveilleux des contes ? Ne cherche pas à répondre, c'était rhétorique. Le conte permet d'expérimenter la peur de la ressentir, d'avoir l'arôme du frisson sans le goût amer de notre propre sang ? Le conte nous permet d'apprendre à connaître nos réactions par rapport à la peur et de les surmonter.
Car il s'agit bien de ça, surmonter ses peurs et si on y arrive pas
tout seul, il y a toujours le conteur pour nous sortir de ce monde
remplit de sales bêtes et de députés. C'est un point sur lequel Michel Hindenoch et Miriame Pellicane se sont rejoins lorsque je les ai interrogé : un conteur est là pour emmener les auditeurs dans un monde et les faire sortir intacts. Ils ont ajouté qu'il n'existe pas d'histoire effrayante, il n'y a que des histoires.
Me vint alors une taquine réflexion. Mais alors pourquoi les nouvelles versions de contes se font ainsi purger de leurs aspects horrifiques et violents ?
Pour protéger les enfants me répondras-tu ?
Comme tu es naïf, c'est si mignon que je serais tenté de te donner une coupelle de lait.
Il s'avère qu'on ne cherche pas à protéger les enfants, mais à rassurer leurs parents. C'est en tout cas ce qu'affirma Valérie Briffod (l'actuelle directrice de la maison du conte) lors de notre entretient. Mais pourquoi me demandera tu encore ?
Ce n'est qu'une hypothèse, mais je pense que certains commerciaux ont
intérêt à empêcher les enfants de se faire les crocs avec la peur.
Car un enfant maintenu dans son liquide amniotique n'est protégé de la
peur, la vraie, que durant l'enfance et lorsqu'il sera obligé de faire
face à la rudesse du monde, il perdra logiquement ses moyens et
regrettera cette période de douceur qu'était son enfance. En d'autres termes, il deviendra nostalgique et fébrile. En d'encore autres termes il sera plus facilement manipulable car plus facilement angoissé.
D'ailleurs, c'est moi ou de plus en plus de produits culturel pour les
adolescents et jeunes adultes utilise la nostalgie comme argument
marketing ? (car oui Star Wars 7 sentait vraiment le réchauffé).
Tu l'auras compris habile rêveur, la peur dans les contes est l'un des piliers de ma réflexion dans mon exploration du conte. En tout cas, je souhaite parvenir à faire frissonner les petites histoires que les médias de masse n'aient plus le monopole de la terreur.
À bientôt habile rêveur.
Le coffre d’Ilnuaj Dragglen est une arche de contes et de poèmes qui ont coulé de mes doigts. Vous y trouverez divers animaux littéraires ainsi que quelques nouvelles sur votre serviteur/conteur. Je vous souhaite une agréable lecture.
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