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dimanche 10 juin 2018

Les yeux à plumes de la faucheuse

                                                    
Alors qu'ils épongeaient leur foie percé d'un godet de rouge, deux jeunes chevaliers se moquaient d'un ancien combattant encerclé par les moineaux. Face à l'assaut de ces becs piaillant, le vieux chevalier sacrifia la moitié de son pain pour que tous les emplumés puisse se remplir l'estomac.
- Cesse donc de nourrir ces piafs vieillard, on ne combat pas le ventre vide, lança l'un des impudents
- Mais on combat mieux le foie vierge, gamin répondit sans faillir le vieil homme.
Humilié par le trait d'esprit, le jeune chevalier jeta son vin sur le visage du vieux combattant qui ne broncha pas.
- Tes paroles ne te sauveront pas du fer de l'ennemi, tenta son comparse.
Mais le chevalier resta de marbre.
- La mie de mon pain me protégera mieux que ton écu.
Agacés par les nerfs d'acier et les élucubrations du sage en armure, les deux chevaliers partirent, impatients de se couvrir de gloire lors de la prochaine bataille. Par pur esprit de contradiction, ils raclèrent leur assiette pour ne pas laisser une miette aux moineaux. Bien mal leur en prit.
 
S'ils avaient été attentifs, ils auraient remarqué que deux moineaux précèdent toujours les hommes d'armes sur le champ de bataille. L'un à la tête noire et l'autre à la tête blanche. Alors que tous les animaux s'enfuient dès la première flèche lancée, les moineaux ne cessent de faire des cercles dans le ciel, malgré la cohue des lames.
Et pour cause, ces moineaux sont les yeux de la mort.
Le noir repère les combattant lâches qui usent de fourberie pour vaincre et les envoie en enfer
Le blanc observe ceux qui respectent leurs adversaires et leur ouvre le chemin du paradis.
Dans tous les cas, les hommes meurent.

Ainsi, l'heure tourna et les têtes tombèrent. Les deux jeunes impudents ne furent pas couverts de gloire, mais de coups. Le vieux chevalier revint encore une fois vivant de la bataille. En effet, puisqu'il nourrissait ses yeux, la faucheuse détournait le regard lorsqu'elle croisait le vieux chevalier.

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